Le statut des baux commerciaux offre au locataire la « propriété commerciale ».

Cette propriété commerciale est le droit au renouvellement du bail commercial (articles L. 145-8 à L. 145-30 du code de commerce ; Civ. 3e, 11 mars 2021, n° 20-13.639).

Le preneur à bail peut donc renouveler son contrat de bail et continuer d’exploiter son commerce dans les lieux loués. Le contrat de bail ne peut pas déroger à cette règle qui est d’ordre public (C. com., art. L. 145-15).

Le bailleur a néanmoins la faculté, sous certaines réserves, de refuser le renouvellement au locataire. Il doit alors lui offrir une indemnité d’éviction (C. com., art. L. 145-14).

En effet, du fait du refus de renouvellement du bail, le locataire subit la perte de son fonds de commerce ou du bail lui-même, qui ont une valeur patrimoniale.

Sauf exceptions mentionnées aux articles L. 145-17 et suivants du code de commerce, le locataire doit donc être dédommagé de cette perte.

L’indemnité d’éviction peut être librement fixée « à l’amiable » entre les parties, mais il est très fréquent, en pratique, qu’un expert, désigné par un magistrat soit désigné pour évaluer cette indemnité.

La demande de désignation d’un expert est alors fondée sur l’article 145 du code de procédure civile.

Cet article oblige à la démonstration d’un intérêt légitime. Le demandeur en justice doit démontrer l’intérêt qu’il a de demander au magistrat de désigner un expert judiciaire. Cet intérêt est évident puisque les deux parties au contrat de bail, le locataire comme le propriétaire, ont intérêt à voir évalué le montant de l’indemnité d’éviction pour éviter tout litige.

Cet article impose, par ailleurs, qu’aucun autre juge n’ait été saisi, au préalable.

En effet, on ne peut saisir le magistrat sur le fondement de l’article 145 du CPC que si aucun juge au fond n’est déjà saisi, puisque cet article a pour objectif de rapporter des éléments de preuve en vue d’un litige potentiel. Si le litige est déjà né, il n’est plus potentiel.

Encore faut-il, pour que le juge des référés refuse de se prononcer sur une mesure d’expertise sur le fondement de l’article 145 du CPC, que le juge, qui aurait été saisi avant lui, ait été saisi sur un même objet.

En conséquence, si un magistrat a été saisi sur une autre question que celle de l’évaluation de l’indemnité d’éviction, par exemple, la validité du congé délivré par le bailleur, quand le juge des référés est saisi à son tour en vue de désigner un expert pour évaluer cette indemnité, ce premier juge n’a pas été saisi sur un même objet.

La saisine postérieure du juge des référés en désignation d’un expert pour évaluer l’indemnité d’éviction est donc valable (Civ. 3e, 6 avril 2023, FS-B, n°22/10-475).