L’agent immobilier a-t-il le droit de percevoir ses honoraires si l’acte authentique de vente n’est pas signé?
L’article 6-I de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 dispose qu’aucune somme d’argent, représentative d’honoraires, n’est due aux agences immobilières ou ne peut être exigée ou acceptée par elles, avant que la vente ait été effectivement conclue et constatée dans un acte écrit contenant l’engagement des parties.
Cet article pose donc deux conditions cumulatives pour que les honoraires soient dus à l’agence immobilière : la vente doit effectivement avoir été conclue et doit avoir été constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.
Cet acte écrit n’est pas forcément un acte authentique. En effet, la Cour de cassation estime depuis 2018 que la loi dite “Hoguet” n’impose pas le caractère authentique de l’acte constatant la vente. Autrement écrit, un compromis de vente, qui est l’avant-contrat le plus souvent régularisé, suffit à justifier le versement de sommes à l’agent immobilier. Il faut simplement que cet acte constate l’accord définitif des parties sur la chose et sur le prix (Cass. 1e civ. n°16-21.044 « l’acte écrit contenant l’engagement des parties, auquel [l’article 6-I de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970] subordonne la rémunération de l’agent immobilier par l’intermédiaire duquel l’opération a été conclue, n’est pas nécessairement un acte authentique »).
Dans le même sens, la Cour de cassation, 1ère chambre civile a rendu un arrêt le 1er juillet 2020 (n°19-10.285) dans lequel elle affirme que « Si la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 subordonne le paiement des honoraires de l’agent immobilier à la conclusion effective de la vente, celui-ci a droit à la réparation de son préjudice en cas de comportement fautif de son mandant ou de l’autre partie, qui lui a fait perdre sa commission ».
En conséquence, une agence immobilière peut réclamer des dommages-intérêts à la partie fautive à hauteur des honoraires qu’elle aurait dû percevoir pour perte de chance d’être rémunérée.
La situation est différente s’agissant d’une promesse unilatérale de vente, c’est-à-dire, lorsque l’avant-contrat n’est pas un compromis de vente, qui est une promesse synallagmatique, mais un acte unilatéral par lequel une seule des deux parties s’engage (par exemple, le propriétaire du bien immobilier s’engage auprès d’un acheteur à lui vendre ledit bien pendant un certain délai au cours duquel cet acquéreur potentiel peut ou non lever l’option).
La Cour suprême en France considère que, dans la mesure où une promesse de vente n’est pas une vente, dès lors qu’elle ne comporte pas l’engagement du bénéficiaire d’acquérir le bien, elle ne peut pas justifier le versement d’honoraires à l’agent immobilier. Elle en déduit que si l’une des deux parties ne régularise pas une vente devant le notaire, cette attitude est insuffisante à caractériser une faute justifiant le versement de dommages et intérêts, y compris en vertu d’une clause pénale qui serait contenue au mandat (Cass. civ. 3e, 8 février 2023, 21-25.521).
Autrement écrit, même si le «caractère parfait de la vente» résulte de la levée de l’option (Cass. 3e civ. 6‑4‑2022 n° 20-17672), le droit à honoraires est en pratique conditionné par la régularisation de la vente chez le notaire (Cass. 3e civ. 11‑5‑2022 n° 21-15943) et le versement de dommages et intérêts à la démonstration d’une faute, autre, que celle qui résulterait du simple fait de ne pas régulariser la vente chez le notaire.
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